viernes, 29 de julio de 2011

Introduction

La littérature engagée est un phénomene qui existe depuis longtemps. Lors du XXème siècle elle a connue une expansion énorme à cause des variations des regimes politiques dans le monde occidentale. Pablo Neruda en 1936 prennant conscience  de l'installation de Francisco Franco au pouvoir en Espagne, utilise son oeuvre pour défendre ses principes de gauche et la mort de son ami, Federico García Lorca. Aujourd'hui on lui attribue le statut d'icône. L'origine du mot icône est liée à la religion chrétienne, c'est  l'image du christ, de la vierge, ou d'un saint . Pour ''arriver'' à ce statut il faut être un martyr, et pourtant avoir souffert ou mort pour des croyances religieuses ou pour une cause politique. On se demandera donc; pourquoi peut on considérer Pablo Neruda comme une icône de la littérature engagée?

I - L'engagement politique de Pablo Neruda

En 1927, Pablo Neruda commence sa carrière politique grâce à laquelle il a connu son ami, Federico García Lorca dans un de ses voyages à Buenos Aires. En 1936, avec l'éclatement de la Guerre Civile Espagnole, et la mort de son ami déjà nommé, il se compromet avec le mouvement républicain, d'abord en Espagne, plus tard en France. C'est le début de son engagement, sa poésie commence à se caractériser pour son orientation politique et sociale.


Son oeuvre engagée se manifeste notablement dans  L'Espagne au coeur et  Chant Général. Le contenu de ce dernier fut écrit dans la clandestinité car le président Chilien de cette époque, González Videla, le persécutait pour être communiste. On peut dire que son engagement politique prend une autre dimension quand en 1970 avec les élections de président, le parti communiste le choisi comme pré-candidat, mais L'Unité Populaire choisit finalemente le socialiste, Salvador Allende, élu comme président. 



Le poème ''Expliquons-nous'' est un bonne exemple de son engagement, il se met au service de la cause anti-fasciste de l'Espagne, au moment de la publication l'Espagne est en pleine Guerre Civile. Il écrit à la première personne pour une mise en valeur du témoignage, c' est une manière de créer empathie chez le lecteur. L'auteur marque une différence abrupte dans la moitié du poème pour symboliser l'arrivée de Franco au pouvoir, et comme la vie qui était similaire à celle de de la campagne, équilibrée et harmioneuse, se transforme en une allégorie de la mort. Mais un rôle du poème est perdu, comment peut-on trouver une sublimation sur un événement qui est universel que pendant les années 30 dans une partie du monde très réduite?





Transition. Le Prix Nobel De La Littérature: Consécration Artistique Ou Politique ?

En 1971 Pablo Neruda reçoit le Prix Nobel de Littérature, alors que pour beaucoup de personnes ce prix est à l'origine d'un préstige incommesurable, d'une autre part c'est un prix très polémique puisque l'influence politique est forte. À l'époque ceci fut un événement controversial, si on tient compte des idéaux politiques que soutenait l' oeuvre de l'auteur Chilien. Néanmoins, cette reconnaissance a aidé à construire l'image qu'on lui atribue aujourd'hui, parce que c'est une sorte de passage à l'immortalité.

II - L'immortalité de Pablo Neruda : le mythe autour de l'écrivain

L'écrivain engagé est mort le 23 septembre 1973 au Chili, bien que de nos jours on sache qu'il est décédé à cause d'un cancer, les conditions de sa mort restent tragiques, puisqu'il est mort dans un contexte politique chilien très difficile. Le président démocrate Allende fut derroque par un coup détat dirige par Pinochet. Ceci créa un mythe autour de la mort de l'écrivain puisque sa poésie était à l'origine d'une lutte politique, notablement contre les régimes d'extreme droite. On peut associer l'origine religieux du mot martyr au contexte politique de sa mort.

Actuellement, au Chili on lui rend hommage de differentes manières qui le maintiennent présent dans la memoire des Chiliens, non pas seulement à cause de sa poésie sinon aussi à travers d'événements, comme l'histoire du Winnipeg, un bateau francais qui mena plus de 2 200 inmigrants espagnols qui s'echappèrent de l'Espagne à cause de l'arrivée de Franco au pouvoir. Pablo Neruda est interprété par de nombreux musiciens chiliens qui admirent la musicalité de sa poésie un  référent à connaître est particulièrement Los Jaivas qu'interprètent entre autres poèmes du poète "Las alturas de Machu Picchu".

On lui rend hommage internationellement et l'œuvre du poète est très répandue, surtout par des artistes comtemporains qui partagent son ideologie, en Espagne Paco Ibañez, chanteur qui interprète ses poèmes en lui apportant une musique qui condense l'oeuvre. D'autre part, d'après quelques recherches que nous avont faites sur l'internet on a pu constater qu'il existe en France sur differentes régions ou quartiers (d'attirance politique traditionnellent de la gauche socialiste) de nombreux centres culturels et mêmes des lycées qui portent le nom du poète Chilien. Ceci met en evidence la trace de Pablo Neruda pas seulement comme un référent en poésie, mais aussi comme écrivain engagé reconnu à niveau international.

jueves, 28 de julio de 2011

Conclusion

Pablo Neruda a consacré sa vie à une cause politique qu'il défendait de sa place d'écrivain autant que de politique. Il a obtenu la reconnaissance de divers prix tout au long de sa vie, et grâce aux conditions de sa mort, un mythe s'est construit autour de lui. Au fil du temps, à travers de nouvelles investigations, ce mythe du poète engagé est en train de disparaître, laissant au milieu de la scène sa manière d'exprimer ses sentiments notamment dans sa poésie qui n'a aucune finalité politique. Néanmoins actuellement, étudier la littérature engagée du XXème siècle renvoie indéfectiblement à Pablo Neruda entre autres écrivains qui on mit ses œuvres au service de différentes causes.

Ouverture

Bien que dans tout le monde Pablo Neruda préserve une image de poète engagé et son rôle politique, au Chili cette idée est en train de s'évanouir au fil du temps. L'œuvre de celui-ci renvoie plutôt à celle d'un poète qui inspire les amoureux et les amants de la nature.

Bibliographie

Timothy Scully, Los partidos de centro y la evolución política chilena, Cieplan, 1992


Gabriel García Márquez, La aventura de Miguel Littin clandestino en Chile, Editorial Sudamericana, 1986


Arturo Valenzuela, La quiebra de la democracia en Chile, Flacso, 1978


Matilde Urrutia, Mi vida junto a Pablo Neruda, Seix Barral, 1986

Pablo Neruda, Né pour naitre, Gallimard, 1996

Pablo Neruda, J'avoue que j'ai vécu, Gallimard, 1997


Pablo Neruda, Chant Général, Gallimard, 1984


Expliquons-nous

Vous demandez : Où sont les lilas ?
Et la métaphysique couverte de coquelicots ?
Et la pluie aux mots criblés
De lacunes et d'oiseaux ?
Voici :
Je vivais dans un quartier
De Madrid avec des cloches,
Avec des horloges, avec des arbres.
De là on voyait au loin
Le visage sec de la Castille
Comme un vaste océan de cuir !
Ma maison s'appelait
La maison des fleurs. De tous côtés
Jaillissaient des géraniums ; c'était une belle
Maison
Avec des chiens et des enfants
Raoul, tu te souviens ?
Te souviens-tu Raphaël ?
Frederico , te souviens-tu ?
Toi qui dors sous la terre,
Te souviens-tu de ma maison aux balcons
Où la lumière de juin étranglait des fleurs dans ta bouche.
[...]
Et un matin tout prenait feu
Un matin des brasiers
Sortirent de terre
Dévorant les hommes,
Et depuis lors le feu
La poudre depuis lors
Et depuis lors le sang.
Des bandits avec des avions, avec des Maures
Des bandits avec des bagues et des duchesses
Des bandits avec des moines noirs et des prières
Vinrent du haut du ciel pour tuer les enfants
Par les rues le sang des enfants
Courut simplement comme du sang d'enfant.
Chacals que les chacals repousseraient
Pierres que le chardon sec mordrait en crachant
Vipères que les vipères haïraient !
Devant vous j'ai vu le sang
De l'Espagne se soulever
Pour vous noyer sous une vague
D'orgueil et de couteaux.
[...]
Vous demandez pourquoi ma poésie
Ne parle pas du songe, des feuilles,
Des grands volcans de mon pays natal ?
Venez voir le sang dans les rues,
Venez voir
Le sang dans les rues,
Venez voir le sang dans les rues !

Pablo NERUDA, L'Espagne au coeur, 1938.

Chant Général

El Canto General (titre original) est un hymne à l'Amérique latine et aux nations opprimées, en général.

« Entrepris par le poète au mois de mai 1938, le lendemain de la mort de son père, Le Chant général fut achevé plus de dix ans plus tard. Il se termine par ces mots :

"Ainsi finit ce livre, je laisse ici mon Chant général écrit dans la persécution, en chantant sous les ailes clandestines de ma patrie. Aujourd’hui 5 février, en cette année1949, au Chili, à Godomarde Chena, quelques mois avant la quarante-cinquième année de mon âge."

Abandonnant l’idée primitive d’écrire un poème à la gloire du Chili, Neruda, lors d’une ascension au Macchu-Picchu en 1943, décida de composer un chant général américain. Le livre fut publié en 1950 au Mexique. Il comprend quinze parties, ensemble composite et divers qui brosse, en un panorama grandiose, une sorte d’immense fresque lyrique et épique du continent américain, depuis les temps précolombiens, la conquête et l’indépendance jusqu’à l’histoire la plus récente; il s’y mêle l’histoire des hommes, des indigènes, des clans, des factions, de leurs combats, de leurs révoltes, de leurs espoirs. La dernière partie, intitulée Je suis (Yo soy ), est une autobiographie poétique, une manière de testament et de profession de foi. Embrassant à la fois l’histoire d’un homme et celle de toute l’Amérique hispanique, Le Chant général s’élargit aussi aux dimensions de l’histoire universelle, des États-Unis d’Amérique aux nations opprimées comme l’Espagne ou la Grèce. Dans ce tableau démesuré, dans cette exaltation grandiose de la libération des hommes, le chantre a su faire passer toute la violence et l’humour, toute la tendresse et la force d’imprécation d’un lyrisme qui sait allier spontanément les formes les plus raffinées aux tonalités les plus âpres, la simplicité la plus sobre à l’invective la plus mordante, et les cris les plus discordants à la mélodie la plus envoûtante. » (extrait d'un article de Bernard Sesé, L'Encyclopedia Universalis, 2000)

Extrait
Au sein de la terre, j'écarterai

les émeraudes pour t'apercevoir

et toi d'une plume d'eau messagère

tu seras en train de copier l'épi.

Quel univers ! Quel stimulant persil !

Quel navire voguant sur la douceur !

Et toi peut-être et moi aussi topaze !

Toutes ensemble sonneront les cloches.

Il ne restera plus que tout l'air libre

avec la pomme emportée par le vent,

dans la ramée le livre succulent,

et au lieu où respirent les œillets

nous fonderons un habit qui supporte

l'éternité d'un baiser victorieux.

Pablo Neruda reçoit le prix Nobel de littérature en 1971

En 1971 l'écrivain chilien reçoit le prix nobel de littérature “El anciano monarca nos daba la mano a cada uno; nos entregaba el diploma, la medalla y el cheque (...) Se dice (o se lo dijeron a Matilde para impresionarla) que el rey estuvo más tiempo conmigo que con los otros laureados, que me apretó la mano con evidente simpatía. Tal vez haya sido una reminiscencia de la antigua gentileza palaciega hacia los juglares”

J'avoue que j'ai vécu

Les Mémoires de Neruda, parues en 1974, quelques mois après sa mort.

Confieso que he vivido, titre original, n'est pas qu'un recueil des mémoires du poète, c'est aussi une réflexion sur la poésie : "Ma vie est une vie faite de toutes les vies : les vies du poète."

Un extrait :

« Mon peuple a été le peuple le plus trahi de notre temps. Du fond des déserts du salpêtre, des mines du charbon creusées sous la mer, des hauteurs terribles où gît le cuivre qu’extraient en un labeur inhumain les mains de mon peuple, avait surgi un mouvement libérateur, grandiose et noble. Ce mouvement avait porté à la présidence du Chili un homme appelé Salvador Allende, pour qu’il réalise des réformes, prennent des mesures de justice urgentes et arrache nos richesses nationales des griffes étrangères.

Partout où je suis allé, dans les pays les plus lointains, les peuples admiraient Allende et vantaient l’extraordinaire pluralisme de notre gouvernement. Jamais, au siège des Nations unies à New York, on n’avait entendu une ovation comparable à celle que firent au président du Chili les délégués du monde entier. Dans ce pays, dans son pays, on était en train de construire, au milieu de difficultés immenses, une société vraiment équitable, élevée sur la base de notre indépendance, de notre fierté nationale, de l’héroïsme des meilleurs d’entre nous. De notre côté, du côté de la révolution chilienne, se trouvaient la constitution et la loi, la démocratie et l’espoir.

De l’autre côté il ne manquait rien. Ils avaient des arlequins et des polichinelles, des clowns à foison, des terroristes tueurs et geôliers, des frocs sans conscience et des militaires avilis. Tous tournaient dans le carrousel du mépris. Main dans la main s’avançaient le fasciste Jarpa et ses neveux de Patrie et Liberté, prêts à casser les reins et le cœur à tout ce qui existe, pourvu qu’on récupère l’énorme hacienda appelée Chili. À leur côté, pour égayer la farandole, évoluait un grand banquier danseur, éclaboussé de sang : Gonzalez Videla, le roi de la rumba, lequel, rumba par-ci, rumba par-là, avait depuis belle lurette livré son parti aux ennemis du peuple. Maintenant c’était Frei qui livrait le sien aux mêmes ennemis, et qui dansait au son de leur orchestre, avec l’ex-colonel Viaux, son complice ès forfaiture. Ils étaient tous têtes d’affiche dans cette comédie. Ils avaient préparé le nécessaire pour tout accaparer, les "miguelitos", les massues et les balles, ces balles qui hier encore avaient blessé notre peuple à mort à Iquique, Ranquin, Salvador, Puerto-Montt, José Maria Caro, Frutillar, Puente Alto et autres nombreux endroits. Les assassins d’Hernan Mery dansaient avec ceux qui auraient dû défendre sa mémoire. Ils dansaient avec naturel, avec leurs airs de bondieusards. Ils se sentaient offensés qu’on leur reproche ces "petits détails".

Le Chili a une longue histoire civile qui compte peu de révolutions et beaucoup de gouvernements stables, conservateurs et médiocres. De nombreux présidaillons et deux grands présidents : Balmaceda et Allende. Curieusement, l’un et l’autre sortent du même milieu : la bourgeoisie riche, qui se fait appeler chez nous "aristocratie". Hommes de principes, obstinés à rendre grand un pays amoindri par une oligarchie médiocre, ils eurent la même fin tragique. Balmaceda fut contraint au suicide parce qu’il refusait de livrer aux compagnies étrangères nos riches gisements de salpêtre. Allende fut assassiné pour avoir nationalisé l’autre richesse du sous-sol chilien : le cuivre. Dans les deux cas, les militaires pratiquèrent la curée. Les compagnies anglaises sous Balmaceda, les trusts nord-américains sous Allende, fomentèrent et financèrent des soulèvements d’état-major.

Dans les deux cas, les domiciles des présidents furent mis à sac sur l’ordre de nos distingués "aristocrates". Les salons de Balmaceda furent détruits à coups de hache. La maison d’Allende, avec le progrès, fut bombardée par nos héroïques aviateurs.

Pourtant, les deux hommes se ressemblent peu. Balmaceda fut un orateur fascinant. Il avait une nature impérieuse qui le rapprochait chaque jour davantage du pouvoir personnel. Il était sûr de la noblesse de ses intentions. Les ennemis l’entouraient à chaque instant. Sa supériorité sur son entourage était si grande, et si grande sa solitude, qu’il finit par se replier sur lui-même. Le peuple qui aurait dû l’aider n’existait pas en tant que force, c’est-à-dire n’était pas organisé. Ce président était condamné à agir comme un illuminé, comme un rêveur : son rêve de grandeur resta à l’état de rêve. Après son assassinat, les trafiquants étrangers et les parlementaires du cru s’emparèrent du salpêtre : les étrangers, en concessions; les représentants du cru, en pots-de-vin. Les trente deniers perçus, tout rentra dans l’ordre. Le sang de quelques milliers d’hommes du peuple sécha vite sur les champs de bataille. Les ouvriers les plus exploités du monde, ceux des zones du nord du Chili, ne cessèrent plus de produire d’immenses quantités de livres sterling pour la City de Londres.

Allende ne fut jamais un grand orateur. Gouvernant, il ne prenait aucune décision sans consultations préalables. Il était l’incarnation de l’anti-dictateur, du démocrate respectueux des principes dans leur moindre détail. Le pays qu’il dirigeait n’était plus ce peuple novice de Balmaceda, mais une classe ouvrière puissante et bien informée. Allende était un président collectif ; un homme qui, bien que n’étant pas issu des classes populaires, était un produit de leurs luttes contre la stagnation et la corruption des exploiteurs. C’est pourquoi l’œuvre réalisée par Allende dans un temps si court est supérieure à celle de Balmaceda; mieux, c’est la plus importante dans l’histoire du Chili. La nationalisation du cuivre fut une entreprise titanique. Sans compter la destruction des monopoles, la réforme agraire et beaucoup d’autres objectifs menés à terme sous son gouvernement d’inspiration collective.

Les œuvres et les actes d’Allende, d’une valeur nationale inappréciable, exaspérèrent les ennemis de notre libération. Le symbolisme tragique de cette crise se manifeste dans le bombardement du palais du gouvernement ; on n’a pas oublié la Blitzkrieg de l’aviation nazie contre des villes étrangères sans défense, espagnoles, anglaises, russes; le même crime se reproduisait au Chili ; des pilotes chiliens attaquaient en piqué le palais qui durant deux siècles avait été le centre de la vie civile du pays.

J’écris ces lignes hâtives pour mes Mémoires trois jours seulement après les faits inqualifiables qui ont emporté mon grand compagnon, le président Allende. On a fait le silence autour de son assassinat; on l’a inhumé en cachette et seule sa veuve a été autorisée à accompagner son cadavre immortel. La version des agresseurs est qu’ils l’ont découvert inanimé, avec des traces visibles de suicide. La version publiée à l’étranger est différente. Aussitôt après l’attaque aérienne, les tanks — beaucoup de tanks — sont entrés en action, pour combattre un seul homme : le président de la République du Chili, Salvador Allende, qui les attendait dans son bureau, sans autre compagnie que son cœur généreux, entouré de fumée et de flammes.

L’occasion était belle et il fallait en profiter. Il fallait mitrailler l’homme qui ne renoncerait pas à son devoir. Ce corps fut enterré secrètement dans un endroit quelconque. Ce cadavre qui partit vers sa tombe accompagné par une femme seule et qui portait toute la douleur du monde, cette glorieuse figure défunte s’en allait criblée, déchiquetée par les balles des mitrailleuses. Une nouvelle fois, les soldats du Chili avaient trahi leur patrie. »



http://www.bibliomonde.net/livre/avoue-que-ai-vecu-2246.html

Paco Ibañez intérprete Neruda



Lors de leur rencontre à Paris où Pablo Neruda le lui demanda au chanteur d'intérpreter un de ces poèmes, le chanteur décida de lui rendre hommage après sa mort

Winnipeg


J'ai aimé dès le début le mot Winnipeg. Les mots ont des ailes ou n'en ont pas. Les mots rugueux restent collés au papier, à la table, à la terre. Le mot Winnipeg est ailé. Je l'ai vu s'envoler pour la première fois sur le quai d'un embarcadère, près de Bordeaux.
Le Winnipeg était un beau vieux bateau, auquel les sept mers et le temps avaient donné sa dignité. On peut affirmer qu'il n'avait jamais transporté à son bord plus de soixante-dix à quatre-vingts personnes. Le reste avait été constitué par des cargaisons de cacao, de coprah, de sacs de café de riz, par des chargements de minerais. Cette fois pourtant un affrètement plus important l'attendait: l'espoir.
Sous mes yeux et ma direction, deux mille hommes et femmes devait embarquer. Ils arrivaient des camps de concentration, de régions inhospitalières des désert, des terres africaines. Il venaient de l'angoisse, de la défaite, et ce bateau allait les recevoir et les emmener sur le continent américain, jusqu'aux côtes du Chili qui les accueillait. C'étaient les combattants espagnols qui avaient franchi la frontière française pour un exil qui dure depuis plus de trente ans.
La guerre civile - et incivile - d'Espagne agonisait de cette manière: des gens à demi prisonniers étaient entassés dans des forteresse quand ils ne s'amoncelaient pas pour dormir à même le sable. L'exode avait brisé le coeur su plus grand des poètes, don Antonio Machado. Ce coeur avait cessé de battre à peine franchies les Pyrénées. Des soldats de la République, dans leurs uniformes en lambeaux, avaient porté son cercueil au cimetière de Collioure. C'est là que cet Andalou qui avait chanté comme aucun autre les campagnes de Castille repose encore.


Je n'avais pas songé, en me rendant du Chili en France, aux contretemps, obstacles et adversités que je rencontrerais au cours de ma mission. Mon pays avait besoin de compétences, d'homme à la volonté créatrice. Nous manquions de spécialistes. La mer chilienne m'avait demandé des pêcheurs. Les mines réclamaient des ingénieurs. Les champs, des ouvriers pour conduire les tracteurs. Les premiers moteurs Diesel m'avaient chargé de recruter des mécaniciens spécialisés.
Rassembler ces être dispersés, les désigner dans les camps les plus éloignés et les acheminer jusqu'à ce carré de jour bleu, devant l'océan de France où se balançait tranquillement le Winnipeg, fut une affaire sérieuse et complexe, une entreprise dans laquelle le dévouement côtoyait souvent le désespoir.
Un organisme de solidarité, le SERE, fut fondé. L'aide venait, d'une part, des derniers fonds du gouvernement républicain et, d'autre part, d'une institution qui garde pour moi tout son mystère: les quakers.
Je me déclare abominablement ignorant en matière de de religions. Ce combat contre le péché constitue l'essentiel de leurs préoccupation m'a écarté, dans ma jeunesse, de tous les credos, et l'attitude superficielle d'indifférence que j'ai alors adoptée a persisté ma vie durant. Mais je dois à la vérité de dire que ces magnifiques sectateurs apparaissaient sur le môle et qu'ils payaient à chaque Espagnols la moitié de son billet pour la liberté, sans faire aucune distinction entre les athées et les croyants, les pécheurs et les pêcheurs. Depuis, quand je lis quelques part le mot quaker, je salue respectueusement par la pensé de leur mouvement.
Les trains arrivaient sans arrêt à l'embarcadère. Les femmes reconnaissaient leurs maris à travers les portières des wagons. Ils avaient été séparés depuis la fin de la guerre et ils se revoyaient pour la première fois devant le bateau qui les attendait. Jamais il ne m'avait été donné d'assister à des retrouvailles, des sanglots; des baisers, des étreintes, des éclats de rire aussi dramatiquement délirants.


De longues tables s'alignaient pour la vérification des papier et de l'identité, et pour le contrôle sanitaire. Derrière celles-ci, mes collaborateurs, secrétaires, consuls, amis, formaient une sorte de tribunal du purgatoire. Aux yeux des émigrants je dus, exceptionnellement ce jour-là, prendre les traits de Jupiter. Je décrétais le oui ultime, le non définitif. N'étant guère partisan du second, je répondais toujours par oui.
Je fus pourtant sur le point de signer un refus. Par bonheur, je compris à temps.
Un Castillan, un paysan à blouse noire tire-bouchonnée aux manches, venait de se présenter devant moi. Cette large blousse flottante était celle des ruraux de la Manche. L'homme, planté là avec sa femme et ses sept enfants, avait un certain âge, le visage tanné et creusé de rides.
En examinant les renseignements fournis par sa carte d'identité, je lui demandai, surpris:
- Le liège, c'est votre métier?
- Oui, monsieur, me répondit-il, gravement.
- Alors, il y a erreur. Qu'est-ce que vous iriez faire au Chili? Là-bas, il n'y a pas de chênes-lièges.
- Eh bien, monsieur, il y en aura, me répliqua le paysan.
- Montez, lui dis-je. C'est d'hommes comme vous dont nous avons besoin.
Avec la même fierté qui lui avait inspiré sa réponse, le paysan se mit à gravir la passerelle du Winnipeg, suivi de ses sept enfants et de son épouse. Beaucoup plus tard, l'argument de cet Espagnol imperturbable se révéla exact: il y eut - et, bien entendu, il y a toujours des chênes-lièges au Chili.


Presque tous mes protégés, pèlerins partant pour des terres inconnues, étaient maintenant embarqués, et je me préparais à prendre un peu de repos après cette tâches difficile, lorsque je vis se prolonger mes émotions. Le gouvernement chiliens, soumis aux pressions et aux attaques, m'adressait le message suivant: INFORMATION PRESSE AFFIRMENT EFFECTUER IMMIGRATION MASSIVE ESPAGNOLS. PRIÈRE DÉMENTIR OU ANNULER VOYAGE ÉMIGRÉS.
Que faire?
Il y avait une solution: convoquer la presse, lui monter le bateau rempli a craquer de ses deux mille Espagnols, lire le télégramme d'une voix solennelle. Et cela fait, me tirer sur place une balle dans la tête.
Ou encore: accompagner mes émigrant et débarquer au Chili avec l'appui de la raison ou de la poésie.
Avant de prendre une décision, je décrochai le téléphone pour m'entretenir avec le ministre chilien des Affaires étrangères. EN 1939, une communication téléphonique était difficilement déchiffrable. Pourtant mon indignation et mon angoisse furent entendues à travers océans et cordillères et le ministre m'approuva. Après une petite crise de cabinet, le Winnipeg, avec ses deux mille Républicains qui chantaient et pleuraient, leva l'ancre et mis le cap sur Valparaiso.
Que la critique efface toute ma poésie, si bon lui semble. Mais ce poème dont j'évoque aujourd'hui le souvenir, personne ne pourra l'effacer .


(NÉ POUR NAÎTRE Cinquième Cahier Réflexions Depuis l' Île-Noire)

Los Jaivas